Page 1 Page 2 Page 3 Page 4 Page 5 Page 6 Page 7 Page 8 Page 9 Page 10 Page 11 Page 12 Page 13 Page 14 Page 15 Page 16 Page 17 Page 18 Page 19 Page 20 Page 21 Page 22 Page 23 Page 24 Page 25 Page 26 Page 27 Page 28 Page 29 Page 30 Page 31 Page 32 Page 33 Page 34 Page 35 Page 36 Page 37 Page 38 Page 39 Page 40 Page 41 Page 42 Page 43 Page 44 Page 45 Page 46 Page 47 Page 48 Page 49 Page 50 Page 51 Page 52 Page 53 Page 54 Page 55 Page 56 Page 57 Page 58 Page 59 Page 60 Page 61 Page 62 Page 63 Page 64 Page 65 Page 66 Page 67 Page 68 Page 69 Page 70 Page 71 Page 72 Page 73 Page 74 Page 75 Page 76 Page 77 Page 78 Page 79 Page 80 Page 81 Page 82 Page 83 Page 84 Page 85 Page 86 Page 87 Page 88 Page 89 Page 90 Page 91 Page 92 Page 93 Page 94 Page 95 Page 96de le recréer matériellement. La caractéristique essentielle de toute reconstruction, c’est d’en- traîner une transformation ; le résultat contient toujours des éléments de l’altérité ou de l’inédit. Aucune reconstruction n’est semblable à ce qu’elle reconstruit. Si l’interprétation d’un morceau musical à partir d’une partition est fondamentalement une reconstruction, elle est toutefois banale dans la mesure où elle n’apparaît pas comme une valeur esthétique intrinsèque à l’œuvre, bien qu’il faille la considérer comme fondamentale, incontournable, condition sine qua non de l’œuvre.Autrement dit,quelle que soit la variante,la reconstruction – par exemple l’interprétation de la 9e symphonie de Gustav Mahler – se rapporte à l’œuvre initiale, à la composition et à la par- tition.Les modalités,mobiles et autres éléments de l’interprétation ne s’y reflètent pas.Ceci vaut également dans les beaux-arts : chaque œuvre,que ce soit une peinture,un dessin,une sculpture, une photographie, etc. se donne toujours comme une reconstruction – au sens d’une matériali- sation des représentations de l’artiste en train de créer. Ici aussi, la qualité du résultat apparaît clairement comme un moment de l’altérité et de la majoration.Jean Loup Sieff a dit qu’« un cliché photographique ne correspond jamais exactement à la sensation qui est à son origine. »1 Une raison en est la durée de création d’une peinture, par exemple, permettant à l’artiste d’ac- compagner son geste de création par une réflexion. Au cours de l’acte de création, le processus même,la genèse de l’œuvre devient à son tour un objet d’observation dont le produit,nécessaire- ment, vient s’incorporer au geste créatif. La plupart du temps, le résultat présente alors un moment de l’altérité et une majoration. Ce qui est déterminant, c’est de savoir si le résultat du processus – le tableau, la sculpture, la gravure ou l’installation – intègre (également) cette réflexion comme thème. Si l’on souhaite inscrire les tableaux de Simon Raabdans cette perspective,on est alors confronté à des reconstructions culturelles, ou relevant de l’histoire de l’art ou de la politique (aucune reconstruction n’est une manifestation pure). On se trouve en présence de reconstructions culturelles et relevant de l’histoire de l’art lorsque l’œuvre se réapproprie les contenus,les formes, les thèmes d’autres époques ou d’autres sphères culturelles tout en les transformant – sachant qu’il s’agit ici toujours de nouveaux positionnements, et non d’imitations dépourvues d’inspira- tion. Une reconstruction politique doit toujours s’appuyer sur une autre reconstruction. De telles reconstructions mettent en avant avec emphase le rapport qu’elles entretiennent avec la poli- tique.Ce qui est converti dans ce cas,ce sontplutôt des contextes politiques et des refoulements historiques que des événements individuels issus de l’actualité politique quotidienne. Simon Raab a réalisé un portrait de Gandhi au sujet duquel il déclare : « Gandhi était l’incarnation d’une idée : pacifisme, non-violence, non-coopération, désobéissance civile. Après avoir secoué le joug colonial, l’Inde a inspiré les mouvements de libération dans le monde entier. Aujourd’hui, le nationalisme est omniprésent, les guerres se poursuivent, le terrorisme fait toujours plus de victimes innocentes, et la liberté d’expression est menacée de façon croissante. C’est pourquoi, hélas, le Parleau montre un Gandhi sanguinolent et maltraité. »2 Dans cette œuvre, Raab met volontairement en parallèle action politique et geste artistique.C’est un célèbre portrait du cham- pion de la liberté qui sert de pivot à la reconstruction médiatique et politique, laquelle trouve ici sa formulation la plus précise. Les portraits de la reine Elizabeth II sont du même cru. Raab affirme à leur sujet : « Il ne nous est pas donné de pouvoir choisir les facteurs les plus importants qui définissent notre vie. … C’est notre condition, et la reine Elizabeth la partage avec nous. Je respecte la reine en tant que femme et en tant que mère, et je respecte son dévouement pour la fonction qu’elle a reçue en 1952, l’année où je suis né. La jeune reine était alors très belle. … Pour moi, une monarchie constitutionnelle n’est … qu’une grandiloquente infrastructure trônant au milieu d’une société libre – du pur cynisme. » 3 Simon Raab a peint trois tableaux de la reine – trois reconstructions politiques : l’un représente la reine jeune et belle,un second la femme d’âge mûr,le troisième enfin 1 Voir à ce sujet Gerhard Charles Rump : Rekonstruktionen. Positionen zeitgenössi- scher Kunst, Berlin 2010, et Jean Loup Sieff : 40 Jahre Fotografie, Cologne 1990 2 Simon Raab : Parleau. Catalogue, Galerie Peter Zimmermann, Mannheim 2010, p. 12 3 ibid., p. 18 51 GANDHI ABUSED AGGRESSIVELY PASSIVE Polymerfarben und Edelstahl auf Holzrahmen Polymers and stainless steel on wood frame Polymères et acier inoxydable sur cadre de bois 2010, 150 × 120 cm Award Picture Art Foundation, USA 2011