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Les objets-sculp- tures de Chamberlain ont pris forme à partir de cette réminiscence. Dans la troisième dimension de la sculpture, l’espace dans lequel le jeu pictu- ral des couleurs entre en scène de façon autonome et non illusoire se déploie. C’est aussi l’espace dans lequel Simon Raab fait intervenir sa peinture. C’est un espace autonome et concret dans la réalité de l’obser- vateur, un espace sans limites et sans bordures qui s’étend jusqu’aux débordements de l’art. Dans de nombreux textes sur l’œuvre de son ami artiste John Chamber- lain, Donald Judd a salué le geste de libération pour l’autonomie de la cou- leur. Il décrit la concordance des composants de l’art dans un important essai sur le thème de la couleur : « Le matériau, l’espace et la couleur sont les aspects principaux de l’art plastique. Chacun sait qu’on peut trouver et vendre un matériau, mais personne ne voit l’espace et la couleur. Deux des aspects principaux de l’art sont invisibles ; la nature fondamentale de l’art est invisible. L’intégrité de l’art visuel n’est pas vue. On peut rempla- cer la nature et l’intégrité de l’art qui ne sont pas vues, le développement de ses aspects, l’irréductibilité de la pensée par des falsifications et des discours sur le matériau qui, en réalité, n’est pas vu. Les débats sur les sciences sont scientifiques, les débats sur l’art sont superstitieux. Ils n’ont pas d’histoire ».8 Matériau, espace et couleur sont les forces dominantes d’une peinture qui tend vers la sculpture. Le flux des couleurs se fraie des voies lumineuses dans le terrain crevassé de la déformation réelle, générant des réfractions kaléidoscopiques dans lesquelles le brouhaha polyphonique de notre temps, éclaté en une multitude d’images simultanées, trouve l’image qui lui convient. Dans les tableaux de Simon Raab, la peinture s’avère être – malgré toutes les tentatives entreprises pour la réduire à un médium dé- suet et déclarer sa mort – l’un des langages artistiques de notre temps. N’étant pratiquement pas traduisible, et donc apte à conserver ses voiles secrets, elle est la langue par excellence pour formuler ce que nous ne savons pas. Faisant allusion à la peinture, Vilém Flusser parle d’une « première ‘sen- sualisation’ de la volonté ». À la différence des langages poétiques et musi- caux, la peinture laisse « flotter la volonté dans une mer des sens. Et dans son filet se déposent aussi bien des moules que des coraux, des couleurs et des formes. Le filet est devenu sensuel, […] couleurs et formes le recouvrent, ce n’est plus un filet, mais un voile. Lorsqu’on observe ce voile, on n’y distingue plus le filet, on ne voit plus que la luminosité des couleurs. C’est seulement lorsque l’on tient le voile dans la lumière (de la connaissance de soi) et que l’on regarde à travers que l’on reconnaît le filet au fond des couleurs. Ce voile qui porte en soi les lois de la volonté et sur soi les couleurs de la profonde mer des sens, c’est la peinture ».9 Dans les tableaux de Raab, cette réflexion des couleurs et des formes devient manifeste. Le jeu entre intuition et calcul y est un processus de création picturale ouvert et visible. À ce degré de transparence lucide, elle est à la fois chant poétique et réflexion artistique. Ainsi prend forme une peinture que Flusser décrit ainsi : « On n’a pas toujours tenu le voile de la peinture dans la lumière, c’est une révélation nouvelle. On s’est autrefois contenté d’apprécier la peinture avec les sens. On ne l’a pas reconnue pour ce qu’elle est, c’est-à-dire le langage des couleurs et des formes, au lieu de celui des mots et des phrases. La peinture abstraite ou concrète est le résultat d’une parole consciente en couleurs et en formes. Elle est pure grammaire sensuelle ».10 Et Flusser, qui ne saurait être soupçonné d’idéa- liser la peinture dans un élan rétrograde et déformateur du présent, pour- suit en décrivant la peinture comme le langage adéquat d’une volonté créatrice nouvelle : « Il est important pour nos objectifs d’interpréter jus- tement l’évolution récente de la peinture. Pour nous, les peintres abstraits sont des prophètes de la volonté. Ils annoncent des choses à venir, ils livrent un avant-goût de l’évolution des sciences naturelles. Le peintre abstrait ou concret s’est libéré de l’illusion, […] il reconnaît au fond du voile le filet de la volonté humaine. Pour lui, les couleurs et les formes sont des apparitions arbitraires à la surface du langage. Son objectif est de rendre visible le langage »11 à la validité réelle duquel la peinture croit immanquablement. Car le langage de l’art est accordé aux domaines de notre perception et de notre connaissance, lesquels doivent rester fermés à la seule pensée logique. 196 8 Donald Judd, Quelques aspects de la couleur en général et du rouge et noir en particulier (1993), in : Donald Judd: Farbe, cat. d’exp., Ostfildern-Ruit 2000, p.79 9 Vilém Flusser, Die Geschichte des Teufels, Göttingen 1983, p.151–2 10 Ibid. 11 Ibid.